Tu
es là à mes côtés, glacée par le
froid hivernal. Nous filons à toute allure dans la nuit. Les
phares de ma voiture découpent un cône de lumière
sur la route étroite. C'est comme si tout le reste n'existait
plus, comme si tout le monde se résumait désormais à
cette ligne droite traversant des rangées régulières
d'arbres sombres. Nos doigts se croisent et se serrent mais nous demeurons
silencieux. Juste l'envie de fuir le plus loin possible, peut-être
de disparaître derrière la ligne d'horizon. La douce
voix de Kim Gordon couvre le bruit du moteur. Les kilomètres
défilent, et bientôt nous sommes incapables de reconnaître
ce paysage. Nous passons devant une petite maison en pierre isolée
au sein de cette campagne déserte. Les arbres se sont refermés
sur la route, et les trouées de ciel étoilé ont
à présent complètement disparu. Des virages de
plus en plus serrés se succèdent. Nous cherchons une
sortie, une ouverture, un intervalle par lequel on pourrait regagner
l'extérieur. Nuit noire. Le voilà le passage est étroit,
trop étroit semble-t-il, on a même la curieuse impression
qu'il se rétrécit au fur et à mesure qu'on s'en
rapproche, que la lumière sortant de cette mince faille se
met à se rétracter. Pourtant nous enfouissons nos têtes
à l'intérieur de l'interstice, on ne voit rien nuit
noire, on hésite, mais soudain comme malgré nous le
reste de nos corps basculent dans le trou.