De
mon lit je peux voir le ciel encadré dans la fenêtre
ouverte qui surplombe les toits pentus des immeubles, d'où
émergent des cheminées en brique rouge. Des nuages de
plus en plus épais traversent le rectangle. La sonnerie du
téléphone retentit mais je ne décroche pas, tout
à coup incapable d'effectuer le moindre geste, paralysé
par le brouhaha étouffé des guitares. Les voix se superposent
tandis que le brouillard transporté par le vent m'empêche
désormais de percevoir les toits de l'autre côté
de la rue. Comme si une angoisse à peine perceptible se rapprochait
de moi. Au milieu des riffs effrénés le brouillard envahit
la pièce. Les objets disparaissent peu à peu, engloutis
par cette nappe opaque. Mais je demeure totalement paralysé,
allongé sur mon lit défait. Tandis que les guitares
se lancent dans une nouvelle accélération, je comprends
soudain que ce brouillard envahisseur est construit par ce bruit délicieusement
ouaté qui sort de mes enceintes. Alors, je ferme les yeux et
me laisse glisser à l'intérieur de la spirale.