Chroniques et préférences - Cure - Seventeen seconds

CURE - Seventeen seconds

 

Ce disque est à jamais associé à l'espace contigu de ma chambre, à ces quatre murs tapissés de gris-bleu, à cette tache sombre dans l'angle supérieur qui grandissait de jour en jour. Perché au niveau du grenier, j'entends le reste de la famille qui vaque à ses occupations dans les étages inférieurs, et j'en profite pour allumer ma chaîne hi-fi. Mon cartable tann's bariolé de coups de bic s'est affalé dans un coin poussiéreux. Les grands arbres barrent la vue de ma fenêtre. Je m'allonge sur ma couette à bandes verticales, au milieu d'un amas de feuilles manuscrites. Il me semble que ce disque n'appartient qu'à moi, que personne ne peut l'écouter comme moi je l'écoute. D'ailleurs les autres passent leur temps à ne pas l'écouter. C'est un disque dont je voudrais leur parler, mais j'en suis incapable. Un disque si proche nous paralyse, un disque aussi profond finit par faire corps avec celui qui l'écoute. En parler reviendrait à parler du plus profond de mon être. Perdu dans le brouillard créé par la musique, je n'entends pas les appels répétés de ma mère à l'étage inférieur. Un claquement de batterie terminal me ramène à la réalité. Les posters ont laissé des empreintes sur la tapisserie unie. Il faudrait avoir la volonté de faire ces maudits exercices de math, mais un simple coup d'oeil à mon cartable me persuade de laisser tomber. Alors je me lève et descends en courant les escaliers menant à la salle à manger.

©2001