On ne sait pas vraiment
d'où sort la chanson. Peut-être d'une de ces innombrables
fenêtres qui trouent les immeubles de la ville, peut-être
de cette petite voiture bleue qui passe sur la route, ou alors
elle vient de chacun de nous. Elle traverse la ville et emprunte
ce chemin étroit, sinueux, qui serpente entre les arbres.
Soudain, il semble qu'elle a disparu, mais nous continuons à
suivre ce même chemin de terre qui nous emmène loin,
si loin. Et puis on remarque que la chanson n'a pas vraiment disparu,
qu'elle s'est seulement dispersée : elle est à l'intérieur
du vent qui se lève, elle est le caillou qui grince sous
la chaussure, les voix qui montent de l'épaisse forêt,
elle est le murmure de l'océan au bout du chemin. La musique
est partout, en nous et autour de nous, dans chacun de nos gestes,
dans chacune de nos pensées. Le vent se lève et
dévale sur cette minuscule parcelle du monde. La tempête
arrache les arbres sur son passage, écorche le toit d'une
maison isolée, encercle de toute part ce monde effrayé
par tant de bruit. Mais nous savons que ce n'est qu'une illusion,
qu'il n'y a pas de tempête, pas de maison : c'est juste
une chanson qui lentement se termine. Alors on s'arrête
en haut du chemin pentu et l'on regarde l'océan imaginaire
s'étendre à perte de vue, tranquille.