Une tache. D'où
je suis je vois une tache. Je ne savais même pas qu'il y
en avait une sur mon plafond. C'est sans doute que je n'écoute
pas suffisamment In utero. Ce doit être cela, car dès
la deuxième écoute je me retrouve désarticulé
sur mon lit. Où est le poste? Il a disparu, comme tout
le reste d'ailleurs. Seuls des escadrons sonores osent s'aventurer
dans cet univers apocalyptique. Cette chambre, d'ordinaire si
bien rangée, s'est transformée l'espace d'un album
en champ de dépravation pour jeunes indésirables.
Ma couette projetée en plein coeur des affrontements vient
d'esquiver deux rafales de Nike taille 41. Mon oreiller, sentant
le danger se rapprocher, a préféré prendre
la fuite à l'amorce du quatrième titre. Il a bien
fait. La lampe, toujours aussi prétentieuse, a quant à
elle voulu rester; elle le regrette aujourd'hui. Comprenez-la,
vivre à tout jamais avec un lavabo sans charme, cela n'a
rien d'excitant. Enfin, l'oreiller l'avait prévenue. Tout
est sens dessus dessous, seule la tache n'a pas bougé;
elle me regarde. Elle observe mon attitude. A lire sur son visage,
elle n'y comprend rien. De plus, je la sens inquiète. Puis,
c'est au moment où la musique se fait plus calme qu'elle
en profite pour se faire la malle. La pauvre. A l'instant où
la musique repart, je me saisis d'un gant de toilette et l'écramouille.
Elle a beau crier, peu importe, le poste, complice, couvre sa
voix. Ca lui apprendra à partir avant la fin.