Esprits de plumes - Nirvana - In utero

 

NIRVANA - In utero

par Eric Lutra

 

Une tache. D'où je suis je vois une tache. Je ne savais même pas qu'il y en avait une sur mon plafond. C'est sans doute que je n'écoute pas suffisamment In utero. Ce doit être cela, car dès la deuxième écoute je me retrouve désarticulé sur mon lit. Où est le poste? Il a disparu, comme tout le reste d'ailleurs. Seuls des escadrons sonores osent s'aventurer dans cet univers apocalyptique. Cette chambre, d'ordinaire si bien rangée, s'est transformée l'espace d'un album en champ de dépravation pour jeunes indésirables. Ma couette projetée en plein coeur des affrontements vient d'esquiver deux rafales de Nike taille 41. Mon oreiller, sentant le danger se rapprocher, a préféré prendre la fuite à l'amorce du quatrième titre. Il a bien fait. La lampe, toujours aussi prétentieuse, a quant à elle voulu rester; elle le regrette aujourd'hui. Comprenez-la, vivre à tout jamais avec un lavabo sans charme, cela n'a rien d'excitant. Enfin, l'oreiller l'avait prévenue. Tout est sens dessus dessous, seule la tache n'a pas bougé; elle me regarde. Elle observe mon attitude. A lire sur son visage, elle n'y comprend rien. De plus, je la sens inquiète. Puis, c'est au moment où la musique se fait plus calme qu'elle en profite pour se faire la malle. La pauvre. A l'instant où la musique repart, je me saisis d'un gant de toilette et l'écramouille. Elle a beau crier, peu importe, le poste, complice, couvre sa voix. Ca lui apprendra à partir avant la fin.
©2001